Le Buto un voyage au bout du « corps »
« Dans le Buto, on aimerait désassembler le corps. Se souvenir du commencement du monde. Se transformer en crapaud dans la chaleur de l’été. Ne pas être rangé dans la naphtaline comme un vieux vêtement, mais bruler, être bourré de poudre explosive (…. ) J’ai envie d’entrer dans un état de suffocation où nul ne s’est encore aventuré »
HIJIKATA
La Danse de l'Espace Intérieur
Le butô, cette danse née des cendres d'Hiroshima, devient dans notre association un moyen privilégié d'explorer l'aida interne - cet espace-temps relationnel qui habite notre propre corporéité. Cette pratique révolutionnaire, créée par Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno, questionne de manière radicale les rapports entre corps, conscience et expression.
Dans le butô, le danseur explore les espaces intérieurs de son propre corps, découvrant les tensions, les vides, les résistances qui constituent sa géographie intime. Cette investigation corporelle rejoint les intuitions de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty sur le corps vécu comme chiasme, entrecroisement du sentant et du senti.
L'intérêt de cette pratique pour notre dialogue interculturel est multiple. D'abord, elle révèle que l'aida n'est pas seulement un concept abstrait mais une réalité incarnée, vécue dans la chair même de notre existence. Le butô nous apprend à habiter les espaces-entre de notre propre corps : entre le visible et l'invisible, entre le contrôle et l'abandon, entre la forme et l'informe.
Cette danse de l'extrême lenteur nous fait également découvrir la temporalité de l'aida - ce temps suspendu où l'action naît de l'immobilité, où le mouvement émerge du silence. Le danseur de butô fait l'expérience de ce que les phénoménologues appellent la "synthèse passive" : cette temporalité pré-réflexive où le sens se constitue avant même d'être pensé.
Par le butô, nous explorons ainsi l'aida comme dimension fondamentale de l'existence incarnée, pont vivant entre les sagesses orientales du corps-esprit et les découvertes occidentales sur la corporéité.